Virez-le, pitié!
Mes chers lecteurs,
J’ose espérer que votre journal quotidien, qu’il soit écrit, sonore ou visuel – et tant qu’il ne s’agit pas du Parisien ! – vous a ce matin appris la toute dernière trouvaille politique de notre ami J. M. Barroso, Président de la Commission Européenne de son état. Je vous propose un petit retour pédagogique sur la situation pour bien comprendre.
Souvenons-nous : pour faire face à la crise, le gouvernement français avait, il y a de cela quelques semaines, débloqué 360 milliards d’euros. Parmi eux, 40 milliards consacrés aux banques. La démarche est simple : la richesse d’une banque est séparable en deux ensembles : il y a les fonds propres (qui représentent en quelque sorte un capital stable, solide) et les actifs (comme les actions en bourse par exemple, qui sont mobiles et variables)*. Le gouvernement a cherché, par cette mesure, à augmenter les fonds propres des banques. Ainsi, on réduit la « part de risque » dans le bilan des institutions et on contribue au retour de la confiance. En échange de quoi, nos amis banquiers ont promis d’augmenter les crédits accordés aux entreprises et aux ménages.
Or, le président de la Commission a récemment fait une déclaration s’inquiétant, à propos de cette action, d’une distorsion de la concurrence entre les banques européennes. Selon lui, cette mesure avantage beaucoup trop les banques françaises par rapport à leurs cousines continentales. Et le zigoto d’ajouter : « Si on ne respecte pas les règles c’est la loi de la jungle ». Présenté comme ça, on ne peut qu’être d’accord…
Mais Barroso se fout littéralement du monde !! Chacun sait que très bientôt, le Conseil, composé des chefs d’Etat et de gouvernement, choisira un nouveau président pour la Commission, c’est-à-dire renouvellera le poste du célèbre Portugais. Ce dernier a donc tout intérêt à s’attirer les faveurs des leaders européens. Il a ainsi passé ces dernières semaines à suivre Sarkozy comme un petit chien dans tous ses déplacements, soutenant l’idée d’une régulation accrue, dans le sens totalement contraire de tous ses engagements passés, très libéraux. Dans le même temps, il a cherché à rassurer la Chancellerie Allemande, qui redoute l’interventionnisme plus que tout. C’est pourquoi il a présenté il y a quelques jours à l’opinion un pseudo plan de relance qui pouvait en fait être résumé par la simple addition des mesures nationales en cours de déploiement.
Cette espèce de double jeu politicien, dont le seul but est de permettre sa réélection, est une véritable honte, tant elle est irresponsable au vu de notre situation. Qu’un homme sensé être en charge de la prospérité de tout un continent ne pense qu’à replacer son postérieur sur un fauteuil confortable m’irrite profondément. Où était Barroso, lors de la crise financière ? Où était-il, lors de la crise bancaire ? Où est-il, à l’heure de la récession ? Cet homme peut bien critiquer, autant qu’il veut, les mesures qu’a pris notre gouvernement en réponse à la crise, mais lui n’a rien fait.
En chinois, le mot crise est un composé de deux autres expressions : « danger » et « opportunité ». Eh bien Barroso n’a traité ni de l’un, ni de l’autre ! Tout le monde s’attendait à voir la Commission agir fortement, drastiquement, pour s’imposer sur les Etats et coordonner les politiques économiques. Mais au final, c’est l’Eurogroupe, structure molle et peu intégrée, qui a agi et conquis de nouvelles compétences. Ce sont les Etats, pas l’union, qui est –en théorie- représentée par la Commission, qui ont remporté la bataille.
Il est donc bien tard, monsieur le Président, pour réagir. Et ce d’autant plus que votre réaction est bien décevante, trop décevante. Au lieu de vous plaindre que cette politique n’ait pas été organisée au niveau communautaire, qu’elle ne concerne que la France, vous défendez une vision arriérée qui consiste à raisonner par Etat, et par injustice entre Etats. « C’est pas juste ! » pouvez-vous dire… Nous autres, européens convaincus, aurions aimé que vous disiez « J’en veux aussi ».
La seule chose que l’on peut dorénavant souhaiter, Monsieur Barroso, c’est que vous soyez remercié en Juin. Il est tant que l’Europe se débarrasse du petit ultralibéral égocentrique et égoïste qui lui sert de visage.
Assez de gestionnaires ! Trouvons un visionnaire !
Ben
* Exemple : la banque qui a 20% d’actifs et 80% de fonds propres est bien plus solide qu’une banque dans la situation inverse. Actuellement, il me semble bien que la banque française qui possède la plus grande proportion de fonds propres est la Banque Postale…