Entre la colère et la déception, l'Espoir
Mes très chers amis,
Malgré mon aphonie de ces derniers temps, j’aimerais profiter de cette journée de grève générale pour vous faire part de mon sentiment prenant et intense, de malaise profond. Ce sentiment est une sensation générale, presque irrationnelle, en tout cas peu explicable, de ras le bol et de dégoût envers ce que chaque jour, l’actualité nous présente. Envers, entre autres, le pouvoir qui est en place, et le non-pouvoir qui n’est pas à sa place.
Un ras le bol contre le chef de l’Etat, dont on a l’impression qu’il ne conduit le pays qu’à des fins strictement politiciennes, de popularité et d’opinion. Le sentiment que rien, absolument rien, ne lui tient honnêtement à cœur. Que sa seule obsession a toujours été, et est encore la popularité. Qu’il ne cherche même pas à faire semblant de cacher les ficelles pourtant grossières de ses pathétiques pirouettes. Ces annonces répétées et pourtant tellement futiles, de mesures par-ci, d’idées par-là, de quelques sous distribués au gré de l’électorat, cachent un dilemme bien plus massif. C’est celui, pourtant maintes fois dénoncé, de l’impotence, de l’obsolescence de l’Etat-nation-Providence face à une crise globale, et générale. C’est celui de l’incapacité chronique du chef de l’Etat à incarner, quelques semaines durant, le rôle du fédérateur et du responsable de crise, calme, charismatique et rassurant.
Des plaintes qui visent aussi, et surtout, la qualité humaniste de notre démocratie prétendue modèle et pionnière. Des interrogations sur la l’indépendance de nos médias, qu’ils soient privés ou publics ; sur l’indépendance de notre justice et la capacité d’un procureur à résister aux pressions politiques davantage qu’un juge d’instruction ; sur la place de notre Parlement dans les institutions de la République, où, cruelle manifestation d’impuissance et ultime recours politique, des députés de l’opposition nouent leur propre bâillon ; sur enfin, la qualité de notre démocratie sociale, en proie au chômage grandissant, à l’expansion du travail misérable.
Tout cela ne peut conduire qu’à l’aggravation des conditions actuelles de notre pays. Jamais, depuis les années 1930, les divisions entre classes sociales, entre professions, entre familles politiques, n’ont été aussi exacerbées. Aussi violentes. Le pouvoir en place s’est appliqué, dans chacune de ses actions, et je l’ai souvent souligné, à diffuser une vision manichéenne de la société, dénonçant les abus des uns, les manques des autres, mais dénonçant toujours. La société française, plus encore qu’en 2007, a besoin d’une concorde. Dehors pourtant, c’est le chaos.
Je ne partage certainement pas les visions de la CGT, ou d’une partie du PS. Mais parce que je m’inquiète pour la démocratie et que je n’ai plus confiance dans le pouvoir en place, je me retourne vers l’opposition. En attendant de retrouver un centre démocrate un peu moins pathétique.
Ce mouvement va plus loin que la droite, le centre et la gauche. C’est un appel à un tournant qui n’a pas été pris. S’il perdure, je le rejoindrai. Aux côté des étudiants, des lycéens, des magistrats, du personnel hospitalier, des professeurs, des journalistes, des postiers, des cheminots, et des juges d’instruction.
Parce que je crois encore en mon pays, en mon continent.
Ben