Vivement qu'il passe l'arme à gauche...

Publié le par Ben

Mes très chers lecteurs,

 

Ce jeudi fut marqué – vous ne l’avez pas manquée – par une intervention tonitruante de notre Chef d’Etat, qui, à l’occasion, avait convié quelques journalistes triés sur le volet. Triste constat, pourtant systématique, qu’à chaque fois, l’Elysée choisit les journalistes, et les choisit mal.

 

Que pouvons-nous dire des aspects généraux de cette petite performance impériale ? Le qualificatif n’est pas innocent : nous avons eu affaire à une bien décevante prestation. Fidèle à ma coutume, je m’attendais à m’agacer devant mon poste, en concédant le privilège du charisme et de la force de persuasion au Nano-Hyper-Empereur. Que nenni ! Cette fois, ses petites pirouettes n’ont même plus l’effet irrationnel habituel sur mes oreilles pourtant sensibles à l’apparence des beaux raisonnements, et des bons mots.

Une liste ! C’est ainsi que le Président nous a parlé. Les ficelles sont dorénavant trop visibles pour être crédibles. Clairement sur la défensive, le Président s’est contenté de nous rappeler de quoi il n’était pas coupable, ce qu’il avait déjà fait, et ce qu’il comptait faire. Au prix, parfois, de répondre à côté des questions qui lui étaient posées. Il voulait donner ses propositions.

 

Pourtant, ceux qui écoutent la radio le matin ou lisent le journal – tant que ça n’est pas Le Parisien !* - ne s’attendaient qu’à, je cite, un « exercice de pédagogie », sans qu’il y ait de propositions. Les médias l’ont rabâché toute la journée… Mais miracle ! Le Chef de l’Etat avait tout de même des nouveautés à sortir de son chapeau… M’est avis que la petite entourloupe n’a pas parfaitement fonctionné. Qu’il nous distille au gré de ses (innombrables) discours quelques mesurettes, donne davantage l’impression d’un plan de relance en kit (fourni sans guide de montage, mais avec la pile !) que d’un ensemble cohérent.

 

Passons plutôt au fond du discours. Une tendance à remarquer est celle du « virage social », c’est-à-dire des nouveautés qu’il a prononcées sur le sujet : allocation des intérêts aux mesures sociales, augmentation de l’indemnisation de chômage partiel, régulation de la répartition des profits. La tendance globale, selon toute vraisemblance, vire tout de même clairement à gauche. Notre président n’est plus de droite, voilà une certitude. Mais comment lui en vouloir : qui peut l’être, par les temps qui courent ? Même si j’en ai furieusement envie, plutôt que de m’attarder à critiquer ce « virage » et de le dénoncer comme un aveu d’impuissance et d’échec (pour ça, rendez-vous au PS !), je préfère souligner pour vous, en avisé observateur (!), les quelques inepties que j’ai pu relever.

 

Je me souviens premièrement de la question – sur la fin – de David Pujadas sur sa pratique du pouvoir et la question de la concentration des pouvoirs. Le Chef de l’Etat a alors utilisé un argument historique pour se justifier… assez maladroitement d’ailleurs, car il a bafouillé au début de sa réponse. Ainsi, tous les présidents de la République, et De Gaulle en particulier, auraient toujours apporté une grande attention à tous les détails… Mon oreille toutefois, a sifflé en entendant cette réponse. Car si homme avait compris que le pouvoir n’est justement pas de tout contrôler, mais de savoir déléguer, c’est bien le Général. Ce dernier savait en effet observer les détails ; mais il laissait à ses ministres une grande marge de manœuvre : il leur faisait confiance, et ses ministres étaient, au sens fort et au sens faible du terme, responsables. Il en va tout autrement en ce qui concerne la régence actuelle : le président ne sait absolument pas déléguer, cela se voit clairement dans sa pratique, interventionniste dès que le dossier s’enflamme. Il ne peut pas s’empêcher de tout faire. Il y a là sans doute, quelque relation avec l’idée qu’il se fait du pouvoir, de son propre pouvoir.

 

Secondement, et même si un article entier serait nécessaire sur ce sujet, je me dois de souligner l’immense question que pose la suppression de la taxe professionnelle. Dans le fond, tous les gouvernements du passé**, de gauche comme de droite, ont critiqué cette taxe, qualifiée « de l’impossible » par Mitterrand lui-même. La volonté n’est donc pas nouvelle. Mais nul n’a trouvé par quoi la remplacer. Notre Omnano-Président a hier parlé de compensation par la taxe-carbone de manière très floue. Il faut savoir que la taxe professionnelle représente pour certaines communes 50% de leurs recettes : la proposition du Président expose donc avant tout les collectivités locales, bien plus que l’Etat. Pour lui, le seul risque est d’accuser la gauche d’avoir mal géré leurs fiefs locaux ! Mais ce qu’il reste important à souligner, c’est que l’idée est plutôt bonne (en terme psychologique surtout, vis-à-vis des entreprises), alors que son application risque de poser de gros problèmes.

Il pourrait même s’agir d’une simple manœuvre politique qualifiée par les politistes de blame avoidance (évitement du blâme), consistant à prendre une mesure, puis à la compenser par une autre. Le résultat réel est nul, mais on donne l’impression d’agir. Ainsi, si le chef de l’Etat compense la suppression de la taxe professionnelle… en créant une autre taxe, je doute des vertus économiques du dispositif ! Je vous invite, chers lecteurs, à suivre cela de près, en tenant compte, je l’espère, de cet avisé commentaire !

 

La longueur de ce billet risque déjà de vous rebuter : je ferais sans doute mieux de m’arrêter là, sans parler de cette fameuse affaire de Saint-Lô, où l’Empereur a affirmé avoir fait muter le préfet parce qu’il n’avait pas été capable de maintenir l’ordre public convenable. Je reste assez perplexe, sachant que ce même inspecteur avait le taux d’élucidations d’enquêtes le plus élevé de France, et qui plus est, affirmé qu’il avait une certaine sympathie pour Dominique de Villepin.

 

C’est l’Empire, dans toute sa noire splendeur…

 

Je vous souhaite donc à tous un très bon week end, et vous promets de vous retrouver sur le thème de nos (chères, oh ! si chères…) universités !

 

Ben

 

* Spéciale dédicace !

 

** A la surprise générale de la droite actuelle, c’est un fait avéré qu’il a existé des gouvernements avant l’émergence de Nabot-Naparte Ier.

Publié dans Politique

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