Démocratie et responsabilité

Publié le par Ben

Mes chers amis,

 

De retour ! Après avoir dûment préparé le paiement de mes frais d’inscription 2009 en vidant les poubelles de nombreux angevins (mon doux, très doux pays natal !), me revoilà, enfin gratifié d’une nuit complète. Je suis fier d’annoncer que j’ai fait partie de la France qui se lève tôt (très tôt, même… à 4h !) pour de vrai !

Le premier problème, un peu comme quand on rentre des vacances, est de savoir quoi dire et de quoi parler. Je me sens un peu comme un mercenaire (très) sanguinaire en mal de victime… ils sont tous en vacances, ces fainéants ! Alors je vais tout simplement vous parler de la démocratie.

Car on a trop souvent tendance à réduire la démocratie à quelques grands facteurs généraux (vote libre et secret, libertés fondamentales, etc. etc.).

 

Le président de la République a récemment décidé de modifier le mode de fonctionnement du renseignement français, s’en arrogeant le total contrôle au détriment du Premier Ministre. Pour plus de précisions, rendez vous ici. En résumé : le Président remplace le chef du Gouvernement à la direction des renseignements, en contrepartie de la création d’une « délégation parlementaire au renseignement ».

L’enjeu est simple. Le premier ministre représente la majorité au pouvoir, et il est donc dépendant de la représentation nationale. Le Président, lui, est complètement irresponsable. En droit, cela veut dire que personne ne le contrôle : la seule façon de l’arrêter est de ne pas le réélire.

 

Il y a, je pense, deux grandes remarques à faire, qui me permettent d’engager une réflexion commune sur ce qu’est la démocratie.


A quoi sert l'Assemblée Nationale après cinquante ans de Cinquième(s) République(s)?

 

D’abord, il faut dire que la démocratie est violente,  que c’est un combat et une confrontation. Entre des hommes, des idées, et des projets. Mais c’est de ce combat que doit naître une solution équilibrée : s’il est stérile, il est inutile. Car il suffit alors de se compter tous les cinq ans. Le sens même de la structure du pouvoir législatif, qui est toujours composé (dans une véritable démocratie) d’un grand nombre de personnes d’opinions différentes, le plus indépendantes possibles du pouvoir exécutif, conduit à fertiliser les débats et à rechercher une solution la plus proche possible de l’intérêt général.

Pour que ce combat fonctionne, il nous faut donc deux choses, en plus des conditions traditionnellement évoquées pour la démocratie (vote libre, pluripartisme, médias libres, etc.) :

  1. La possibilité corriger l’action de l’Etat au fur et à mesure des débats et de l’actualité (c’est la responsabilité du pouvoir exécutif).
  2. L’absence de « votes autosystématiques » déjà décrits ici, où la lutte entre les appareils politiques est à ce point exacerbée qu’il devient difficile d’imaginer que les votes changent au gré des débats.

Il me semble avoir assez parlé de la seconde condition pour que vous ayez un avis dessus. Mais l’absence de la première et tout aussi évidente.


N'oublions jamais qu'Hitler est arrivé démocratiquement au pouvoir. Ici, un meeting à Nuremberg.

La responsabilité du gouvernement est inhérente à la démocratie parlementaire. Nombre de dictatures ont pu arriver au pouvoir grâce au soutien d’une partie de la population à un moment donné. Mais peu auraient tenu le coup si elles avaient du consulter à nouveau leurs citoyens quelques mois plus tard. La démocratie responsable est une forme de protection du citoyen et d’assurance du bon droit. C’est ce qui permet de limoger un gouvernement qui est en train de faillir, un ministre dont on apprend la corruption, ou autre, par un vote au parlement. Elle est indispensable.

 

Or, le président est irresponsable.

 

En définitive, à chaque fois que le président gagne des pouvoirs, il éloigne l’action de l’Etat du contrôle des citoyens. L’apparition de ces « délégations parlementaires » n’y changera d’ailleurs rien, car elle ne pourra être suivie d’une censure (ce qui aurait pu être le cas vis-à-vis du premier ministre). Et ce, d’autant plus qu’avec l’évolution actuelle de la Cinquième République, les parlementaires sont condamnés à suivre docilement le pouvoir exécutif dans ses orientations.

 

Je vais essayer de continuer à vous parler de démocratie parlementaire dans les jours qui viennent. Mais l’évolution actuelle du modèle français m’inquiète franchement : de plus en plus, on octroie des pouvoirs supplémentaires au chef de l’Etat sous prétexte qu’il a « été élu par les français pour cinq ans ». Et l’on perd avec, cette force inhérente à la démocratie qu’est le débat. Le vrai débat, aboutissant à des rectifications. C’est très loin de la vision gaulliste du « président arbitre », puissant mais sage, que j’affectionne énormément, à l’encontre bien souvent de mes collègues militants.

 

Aussi faut-il sans doute que je vous pose la question, gravissime, en conclusion : un pays qui ne débat plus, mais qui se contente de se compter tous les cinq ans est-il une République démocratique, ou une dictature démocratique ?

Publié dans Politique

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T
Bon retour :-)Tu attaques fort ! Tu poses de bonnes (et graves) questions.Tu dois t'en douter que j'aurais quelques remarques mineures (je me limite à deux pour ta "reprise" ^^) :1."Le Président, lui, est complètement irresponsable. En droit, cela veut dire que personne ne le contrôle : la seule façon de l’arrêter est de ne pas le réélire." Certes l'irresponsabilité politique du Chef de l'Etat est de facto consacrée. Mais ne pas oublier la possibilité toute théorique de le placer en position de destitution (art. 68) pour manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat. Je dis théorique, car cet article renvoit à une loi organique qui n'a toujours pas été votée. La révision constitutionnelle date pourtant de début 2007.2. "un pays qui ne débat plus, mais qui se contente de se compter tous les cinq ans est-il une République démocratique, ou une dictature démocratique ?"Question essentielle. je n'irais pas jusqu'à reprendre le terme de "dictature démocratique". Je trouve que l'analyse faite par Rober Badinter sur l'évolution du pouvoir vers une monocratie serait assez pertinente. La concordance et l'inversion qui fut décidée des deux calendriers des élections est, je pense, une des causes de cette évolution. La question sera de réfléchir à trouver des solutions qui pourraient rendre au Parlement une fonction de "contrepouvoir". Le mot,  dans ce sens, est à comprendre comme "contrebalancier" ce qui permet un relatif équilibre entre l'éxécutif et le législatf.@micalement
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