Et si le PCF avait raison?
L'affiche des partisans du NON au Traité Etablissant une Constitution pour l'Europe (TECE), rejeté le 29 Mai 2005. Une équipe alliant l'extrême-gauche à l'extrême-droite : est-ce logique?
Comme vous le savez sans doute tous, les députés et sénateurs réunis lundi en Congrès ont voté en faveur de la révision Constitutionnelle préalable à l'adoption du Traité de Lisbonne (ou "mini traité"), par 560 voix pour, 180 contre et 162 abstentions. Dorénavant, l'article 88-1 de la Constitution proclame :
"[La France] peut participer à l'Union Européenne dans les conditions prévues par le traité de Lisbonne."
Près de trois ans après l'échec de la ratification du TECE, l'Europe semble donc avoir retrouvé une dynamique. Toutefois, la classe politique française est-elle réellement consciente des mutations que notre pays subit?
Je voudrais aujourd'hui pointer une idée importante, inspirée je l'avoue de la lecture de l'Avant-propos de l'ouvrage de Mark LEONARD, Pourquoi l'Europe dominera le XXIè siècle (Plon, 2005). Celui-ci avance une série d'arguments assez convaincants destinés à rassurer les plus déprimés par le cuisant échec de 2005.
Avant d'aborder l'idée principale de mon article et de justifier son titre, je souhaiterais rappeler que l'Europe est une construction solide. Elle bénéficie de ce que l'on appelle l'effet-cliquet, c'est à dire qu'il est impossible, une fois une avancée réalisée, de revenir en arrière. Elle a été en très grande majorité construite par le droit, c'est à dire par une succession de traités internationaux qui ont rogné sur la Souveraineté des Etats. En créant un droit européen qui prime sur les droits nationaux, on rend quasiment illégal (ou du mois improbable) tout irrédentisme. Cela permet de créer des interdépendances. L'emmêlement progressif des destins nationaux du continent force nos gouvernements à rendre commune la gestion publique. Plus on construit l'Europe, plus on en a besoin : il est impossible de reculer. Sans le marché unique, notre faible croissance serait nulle. Mais surtout, l'UE a pris une importance dans notre vie politique : du haut de ses 80 000 lois, son marché commun, sa monnaie unique et de sa défense embryonnaire, l'Europe est loin d'être une construction fragile. Au contraire.
Partant de là, la question n'est plus de savoir si nous voulons ou non de l'Europe : la messe est dite. Tout au plus, il peut être intéressant de se demander quelles limites lui seraient appropriées. La vision anglo saxonne d'une économie partagée et la vision française d'une Europe politique intégrée sont encore en concurrence.
Et le référendum de 2005 a peut-être révélé à ce propos une mutation de fond, révélatrice d'une révolution politique de taille. Si nous venons d'évoquer l'effet cliquet, c'est bien pour démontrer que nous n'avons pas d'autre choix en matière européenne, que de maintenir le statu quo (dénué de toute vision de l'avenir) ou de continuer à avancer. La première solution n'étant guère souhaitable, le vrai débat européen se situe donc quant à l'avenir de l'Europe plutôt que sur son existence.
Et c'est ainsi que j'en arrive à mon interrogation. Les opposants au TECE, qui ont au demeurant profité d'une dynamique de protestation contre les élites nationales françaises, ont permis de faire évoluer le débat européen plus loin que leurs opposants favorables au traité. Contrairement à ce que l'on pourrait croire, ils ont approfondi cette grande question d'avenir.
"Une autre Europe est possible."
En voilà le symbole. Ce n'était sans doute pas intentionnel, mais les communistes, en proposant un tel slogan, ne se sont pas opposés à l'Europe : bien au contraire, ils ont généré l'exigence d'une Europe moins lobbyiste et plus populaire. Une Europe plus démocratique, et donc plus forte.
La crise de 2005 n'était donc pas en soi une crise de fond : sans doute une péripétie de parcous de plus, tout comme il y a en a eu en 1954 (Communauté Européenne de la Défense, refusée par la France), ou en 1992 (le Danemark demandant des exceptions à Maastricht). L'Europe ne s'est jamais retrouvée définitivement à l'arrêt. C'est une construction dynamique, consciente de l'être. Des crises, elle est toujours ressortie renforcée.
Peut-être sommes nous donc en train d'assister à la mutation du débat, qui ne se pose plus la question de l'existence de l'Europe, mais de sa nature. Une telle évolution, aux origines strictement politiciennes ou conjoncturelles, peut devenir une opportunité incroyable pour les plus fédéralistes d'entre nous. En proposant un vrai programme européen, c'est à dire en introduisant l'Europe dans le programme national, la construction politique du continent deviendra l'enjeu des nations : l'élite nationale éclairera cette "OPNI" (Objet Politique Non Identifié, comme disait M. Rocard!), informera les citoyens, et surtout, enfin, leur donnera le sentiment d'avoir le choix. Un moyen plus qu'utile pour tuer les critiques "anti-technocratie Bruxelloise" qui pullulent à l'extrême droite souverainiste.
Le meilleur moyen d'inciter la classe politique à traiter un sujet est d'en faire une source de préoccupations. Si les citoyens s'emparent de ce thème, les grands partis devront le traiter. Et si cette tendance se conforte (car nous n'en sommes qu'au début), l'Europe deviendra effectivement un enjeu sur l'échiquier politique national... et un enjeu clair, enfin!
Ben
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