Le Sarkozysme a-t-il un avenir?

Publié le par Ben

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Bonjour à tous,

Tout d'abord, je tiens à vous faire remarquer qu'en ce moment, notre majestueux chef d'Etat apparaît de moins en moins souvent. Il faut dire que les sondages baissent : sans doute la Nicotine a-t-elle de moins en moins d'effet sur l'esprit vaguement conscient de nos concitoyens enfumés. Reste un dilemme pour le président : augmentez la dose, et c'est le cancer assuré. Comme si Marianne avait eu besoin de ça en ce moment....

Suite à ce petit aparté, je voulais vous faire part aujourd'hui de l'une de mes interrogations, comme j'en ai l'habitude. Je me demandais s'il y avait un avenir pour le sarkozysme. Après tout, on parle bien de Gaullisme, encore aujourd'hui. Pourquoi pas de Sarkozysme demain, compte-tenu de la carrure du personnage?

Commençons à y réfléchir "à l'instinct" : la première chose à laquelle nous pensons, à l'évocation du résident de l'Elysée, c'est : RUPTURE.
La rupture, et nous en avions déjà discuté, c'est le symbole même de son action. Il la met à toutes les sauces : composition du gouvernement, vacances présidentielles, relations diplomatiques, rapport des médias avec le pouvoir, etc. C'est un terme à double entrée : il symbolyse un cassure avec le passé, et le changement.
En soi, le changement n'est pas une chose typique à Sarkozy : tous les politiques nous le promettent, avec plus ou moins de réussite. En revanche, la cassure avec le passé, voilà qui est original. Elle s'est à mon sens justifiée par une compréhension de l'inconscient collectif : la fin du mandat de François Mitterrand, et les mandats de Jacques Chirac ont été le symbole du laissez-aller de la fonction présidentielle, à quelques rares soubressauts près. N. Sarkozy a bien compris cela, et choisi de répondre à cette attente.
Mais dans cette notion de cassure, il y a aussi ce rapport tellement incroyable au passé. Sarkozy est un aspirant-héros. Et pour acquérir un tel niveau, il est obligé d'apparaître en grand sauveur de la nation, en homme providentiel, à la De Gaulle : c'est à dire qu'avant lui, notre Histoire n'est composée que de héros ou de penseurs assez lointains, qui ne peuvent lui faire de l'ombre (Jeanne d'Arc, Jaurès, De Gaulle). Entre les deux, c'est le néant. Voilà à mon sens l'analyse psychologique de la rupture : c'est de la masturbation politique, pour satisfaire son égo. C'est cette volonté incroyable -et malsaine- de vouloir marquer l'Histoire. Je dis malsaine, car l'Histoire doit se mériter. Pas se conquérir.

Et pour apparaître en héros, ce petit homme doit avoir de grandes idées. Une sorte de ligne générale dans son action, pour que l'Histoire se souvienne de lui, puisque tel est son but. Dans ses idées, il y a bien sûr le travail, la morale ou la nation (étrange écho à un certain Juin 1940). Et c'est justement ce dernier terme, la nation, qui fait de lui non pas un progressiste, mais un rétrograde. Car il devient très vite évident que le sarkozysme est fondamentalement contraire à l'idée Européenne, en ce sens qu'il exhorte le vieux rêve français : la bonne droite populaire, la valeur travail et l'indépendance à la De Gaulle. C'est à croire que notre Empereur, dans sa vision du XXè siècle, s'est s'arrêté à 1969. Qu'il a oublié aussi, ces travaux de Schumann et de Monnet, qui ont déclaré dès les années 1950 que  "Nous voulons une Europe fédérale".Il se contente d'exacerber le nationalisme facile, l'idée que les français peuvent et doivent se débrouiller seuls. Mais c'est illusoire, et voué à l'échec. Il a malgré tout réussi à tourner cela à son avantage : au lieu de voir ces idées comme des retours en arrière, il les a présentées comme un retour aux valeurs fondamentales de la politique : "Je veux revenir aux vraies valeurs" dit-il.... C'est vrai que l'Europe est une fausse valeur, que l'idée que l'homme puisse un jour abolir les frontières par sa seule volonté est une fausse valeur... vive la nation, donc. Elle n'est jamais responsable que de deux conflits mondiaux.

Mais il y a sans doute un aspect plus fort encore : la place qu'il accorde à l'individu. Il y a cette croyance incroyable dans ses idées du centralisme de l'individu dans la société. Je suis certain que c'est ce à quoi il pensait en évoquant de "changer nos rapports aux autres (...), ce que j'appelle une politique de civilisation.". Ne serait-ce que le destin de cet homme, qui avoue sans complexe se préparer depuis 30 ans à la fonction présidentielle ; ne serait-ce que son admiration pour le modèle américain ; ne serait-ce que pour ses amitiés avec les self made men et autres richissimes parvenus : il est évident qu'il voue une véritable religion à l'individu, voire au destin. Il a le culte de la réussite. Cependant, et il faut bien le dire, il comprend aussi que dans la vie de chacun, il y ait des échecs. Il en a conscience et souhaite "redonner une chance à ceux qui échouent". C'est en cela qu'il n'est pas individualiste (dans le sens "égoiste" du terme). C'est en cela qu'il y a un vrai changement, qui ne me semble pas à première vue malsain. Je ne suis fondamentalement pas d'accord avec cette vision de la société, et j'ai la naiveté de croire que le Nous existe encore un peu ici bas. Mais il est clair que cela reflète l'évolution globale de notre manière de vivre, et, qu'au delà de son hypertrophie ambitioniste, on ne peut lui en reprocher la teneur. En ce sens, pour une fois, le Sarkozysme est en accord avec son temps.

Ce qui m'a profondément marqué, au cours de ma réflexion sur ce sujet, c'est aussi les racines psychologiques du changement qu'il prône, et de sa rupture dont nous parlions plus haut. Il faudrait réécouter ses discours de campagne pour s'en assurer, mais j'ai la ferme conviction qu'il y avait une différence fondamentale entre lui et ses deux concurrents principaux dans sa façon d'aborder l'action politique. Somme toute, il est évident qu'il justifie son changement par la peur. C'est à dire que pour chaque mesure qu'il proposait, il faisait état d'une France qui en avait le besoin urgent. Voilà qui résume pas trop mal sa philosophie : tout est pressé et indispensable. Cette manière de présenter les choses a sûrement contribué à le faire élire, en ce sens qu'elle lui a permis de devenir indispensable. Mais cela pourrait vite se retourner contre lui, car s'il déçoit, la peur implicite qu'il a lui même créé au sein de l'opinion n'en sera que renforcée. Toujours est-il qu'un changement pareil est profondément malsain, là encore. Au risque de vous faire rire, je vous invite à regarder le troisième épisode de la saga des Star Wars (le tout dernier), qui, au delà des "boîtes à camembert volantes" (dixit mon père), donne une leçon sur le rapport entre la démocratie et la peur. Inquiétant
Cela me rappelle, dans la forme (et non le fond) l'abandon total des allemands ou des Italiens à de grands leaders, dans les années 1930. Comme si tout était perdu, et qu'il fallait ainsi se confier à un chef dont l'action serait sans entraves (c'est à dire incontestable), et forcément source de changement. Sans se préoccuper du fait que le changement, même s'il peut régler certains problèmes, risque aussi d'en créer de nouveaux si l'on s'y prend trop vite. D'ailleurs, la comparaison avec le nazisme (je le répète : pas les idées, mais la forme) ne doit pas s'arrêter là : l'émotivité à l'excès, largement pratiqué par N. Sarkozy, est aussi l'un des caractéristiques majeures de sa conquête du pouvoir, des "Je voudrais dire qu'elle est belle et que  je l'aime" aux enterrements larmoyants. Sans parler des immenses meetings, dont le fond n'était autre... qu'une immense photo de lui! Je ne peux décidément pas m'empêcher de penser à Nuremberg. Cette émotivité est malsaine.
C'est pourquoi les présidentielles américaines me font chaud au coeur : ce pays bouillone d'espoir. C'est sans doute pour ça aussi que je suis fan de Barack Obama : il exhorte le rêve américain, il prône l'espoir et l'optimisme, le mouvement dans la confiance : "Change WE can believe in". Le changement par l'espoir n'est-il pas tellement plus grandiose que le changement par la peur?


Au final, j'ai la ferme conviction que le Sarkozysme est une vision pessimiste dans ses sources, arriviste dans son action et utopiste dans ses résultats. Une utopie grandiose : un pays souverainiste, aux frontières fermées aux immigrants, à l'exécutif omnipotent doté d'une véritable Cour impériale bourrée de potins malsains, où la morale bien pensante et la semaine de 40 heures mènent la vie de gens. Excitant, non?!


Ben

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Publié dans Politique

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B
Oups! Critiquer la droite ne revient pas à féliciter la gauche, mon cher Thomas! Je te rappelle que je m'estime libre, et que j'ai mes propres idées. Le fait que je sois un opposant de Sarkozy ne veut pas dire que je ne suis pas libéral, ou pas gaullisme, tout comme cela ne veut pas dire non plus que je ne suis pas communiste. Je m'oppose à cet homme, voilà tout. Et à ses idées. Car on a beau appartenir à une case "de droite" ou "de gauche", c'est toujours un être humain qui les possède.<br /> <br /> Deuxièmement, quand je parlais des frontières, je faisais référence à son rapport à la nation et à l'Etat-nation, entre autres. C'est à dire qu'il ne conçoit pas l'Europe pour ce qu'elle est faite (à savoir : un projet d'union fédérale) mais comme il le dit souvent, très sournoisement d'ailleurs, comme "un outil pour la France". Cela relève d'un état d'esprit particulier, tu en conviendras. Car en ce qui me concerne, je serais plus enclin à affirmer que la France doit être un outil pour l'Europe.<br /> Il n'y avait donc ici aucun commentaire sur l'immigration, mais simplement sur son souverainisme, qui, à mon sens, doit devenir (et est déjà, dans les faits plus que dans ses discours grandiloquents) une valeur caduque.
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T
La gauche n'a rien à proposer , les francais font confiance à la droite Sarkozyste. Il a baissé à cause de sa vie privée qui n'interesse personne à part les paparazis. Aillez-confiance en lui c'est l'homme de la rupture c'est l'homme qu'il nous faut, allez Sarko !<br /> ps:pour l'immigration j'ai du mal lire quan d j'ai vu que tu disai soit disant qu'il fermat les frontière...j'ai une question à laquelle j'aimerais que tu me répondes : La France pourrait t'elle accueillir 800millions d'africains qui ne demandent pas mieux que d'aller en France ?Ou faudrait-il mieux comme fait le gouvernement donner plus d'argent pour développer les pays pauvres? merci de bien vouloir y répondre(je suis un ami de Marine Denis si tu la connais...) merci et bonne continuation blog très interessant.
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T
Je partage à 100% ta conception relative à l’angle d’attaque du « phénomène ». En démocratie, seules doivent primer les idées. Pour le marketing, on a affaire à un chef de rayon brillantissime, qui s’y connaît (sic) !<br /> Mais, hélas, les temps sont plus voués à la culture du zapping qu’à l’approfondissement des concepts. <br /> Très habilement, N4 a occupé tout l’espace ; trop habilement même, car le résultat va à l’encontre du but qui était recherché. <br /> N4 le volontariste s’engageant sur tous les fronts, est devenu N4 l’opportuniste. <br /> Le problème en l’espèce, c’est qu’avec N4, le socle même du vivre-ensemble pourrait être remis en cause.<br /> La grande erreur a été de le considérer comme un adversaire avec qui on pouvait débattre démocratiquement. La confrontation des idées à la loyale (et non à la Royal comme alors) dans l’espace républicain a tourné au vinaigre. <br /> N4 a phagocyté tout l’espace public. <br /> La grande difficulté réside dans le fait qu’à travers son élection à un instant T, N4 a cru obtenir carte blanche pour agir à sa guise en tout domaine.<br /> Mais ne jamais oublier que la majorité de gens du second tour ne sont plus les 30% du 1er.<br /> A mon sens, le Président qui est élu est le Président de tous les français (la République pour faire court) et non pas le Président d’une fraction ou pire d’une conjonction d’intérêts catégoriels. <br /> Quelle légitimité, en outre, accorder à un Président qui continuerait à se mêler des affaires de son parti ? <br /> On vit à l’heure d’une grande confusion des genres.<br /> Le problème, c’est cette propension à vouloir la « rupture » en toute chose et à tout prix. <br /> Une rupture érigée en mode de gouvernement pour obtenir des résultats tangibles peut se concevoir en cas de situation bloquée. <br /> MAIS LA !<br /> Chez N4, il semblerait que la rupture constitue une finalité en soi.<br /> Travailler plus pour gagner plus, comme programme, c’était louable en soi ! <br /> Mais, derrière ce slogan réducteur, il n’y a pas eu, à l’épreuve des jours depuis mai dernier, la moindre expression de cohérence et de sens. <br /> Alors qu’est ce qu’on fait ? On en appelle à la transcendance divine, mais c’est une rustine dérisoire qu’on tente d'apporter à un discours creux. Et c’est le risque de rouvrir la boite de Pandore.<br /> L’identité de la France (comme a pu la définir Fernand Braudel !!!!) tient sa spécificité d’une lente maturation dans la longue durée. ! <br /> On n’inscrit pas son action dans l’histoire à la hussarde !
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B
Merci pour ce brillant commentaire, tipi01.<br /> Je partage complètement ton avis sur le sujet : Sarkozy est un embobineur fini, de bout en bout.<br /> D'ailleurs, le titre initial de mon article était "Y a-t-il un Sarkozysme", et tu te doutes de la conclusion à laquelle j'étais amené.<br /> <br /> Toutefois, à force de réflexion, j'ai fini par comprendre que la principale erreur de ses opposants avait été de vouloir le faire voir comme un menteur, ce qui n'a fait que contribuer à le mettre sur le devant de la scène.<br /> <br /> C'est pourquoi je m'attèle dorénavant à ne surtout pas jouer son jeu, c'est à dire à l'attaquer sur le fond, et non plus sur ce qu'il veut que nous voyions au travers des médias.<br /> Mon boulot est de convaincre, car contre lui, la persuasion ne suffit pas tant son charisme en impose.
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T
Ta tentative d’analyse en profondeur de N4 est intéressante, car comme tant d’autres, tu essayes, et c’est ton mérite, de donner de l’étoffe à un concept fumeux (fumiste ?) le « sarkozysme ».<br /> Je souhaiterais compléter ta démonstration. Je ne pense pas qu’il faille tenter à tout prix de s’évertuer à trouver de la profondeur à la pensée de ce personnage. Le terme « Personnage » convient plus pour qualifier un homme qu’on a vraiment de la peine à croire sincère.<br /> Ton analyse de la dimension formelle du phénomène m’évoque une image. Elle se résume à une impression d’un millième de seconde. Je n’ai pourtant pas cru rêver alors. Un reportage est passé sur France 3 à la suite de l’accident du car de pèlerins polonais sur la rampe de Laffrey l’été dernier. Fonction présidentielle oblige, N4 s’est rendu au chevet des survivants accompagné du Président de la République de Pologne. On le voit Lui, N4 le compassionnel, traversant à vive allure un couloir du CHU de Grenoble en plan traveling. Un soignant (une déduction, car l’homme portait une blouse blanche) osa s’intercaler entre l’objectif de la caméra et Son Insigne Grandeur en plein exercice compassionnel. D’un geste de la main N4 fit comprendre à la blouse blanche : « casse-toi de là, tu me fais de l’ombre ! ».<br /> Je le concède, il faudrait pour être tout à fait objectif revoir cette scène au ralenti pour confirmer mon impression.<br /> Je ne suis pas loin de penser désormais qu’à part la montre tout est en toc chez N4 ! <br /> Toi Ben, tu tentes de trouver un background intellectuel au personnage. Certes tu as raison dans ton argumentaire. Mais pour ma part, j’ai du mal à discerner de la cohérence dans les discours de cet artefact présidentiel. <br /> Porte-parole habile, N4 a su s’entourer de plumes de talents ! Mais le discours est d’un rétrograde absolu, réac. <br /> Un exemple : N4 dans ses prêches veut assigner un rôle aux églises dans la conduite des affaires de la République. Je crois entendre, écho venu d’outre-tombe, parler Alexis de Tocqueville. <br /> Plus que la présidence de la République, N4 incarne avec brio l’ambition assouvie d’un homme parvenu en haut de l’affiche. Il tient une revanche sur la vie. C’est l’apothéose du JE.<br /> Comment la République a pu longtemps tourner sans lui, l’homme providentiel ?<br /> La rupture, il l’a revendiquée à toutes les sauces. Il a été en partie élu sur cet engagement. Dont acte ! <br /> Mais ce qui pose vraiment problème, c’est que ce n’est pas à une rupture dans la conduite des affaires de la République qu’on assiste. C’est plus grave que ça, c’est une déchirure. Certains y pensent, mais peu n’osent le formuler, cette conception du pouvoir porte en elle tout ce qui il y a de plus délétère pour la démocratie. <br /> Il convient donc de ne pas relâcher notre vigilance de démocrate. <br /> Au final, force est d’admettre que la République ne s’en portera pas plus mal si des sondages en berne viennent peu à peu calmer les ardeurs égotiques du personnage.
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